
Skyscrapers on Transparent Yellow, Josef Albers 1929
« Que se passe-t-il si on met des myrtilles ? » lui dit Anni en parlant de la coupe de fruits qu’il a conçue. Elle est constituée d’un plateau de verre et d’un bord en métal surélevé par des billes en ébène si bien que les fruits peuvent s’échapper et rouler... Une esthétique propre au Bauhaus, mais pour le sens pratique effectivement on repassera.
Ce genre de petite pique était légion entre Anni et Josef Albers. Et s’il n’ont jamais collaboré l’un avec l’autre, les similitudes de leurs œuvres et leur complicité créative ont suscité notre curiosité.
C’est à l’école du Bauhaus à Weimar en 1922 qu’ils se rencontrent alors qu’Anni essaie d’y entrer. Tombé sous le charme, Josef va l’aider à passer le concours.
Rien pourtant ne destinait a priori Josef Albers, fils d’un modeste artisan catholique de la Ruhr, à épouser Annelise Fleishmann, de onze ans sa cadette et héritière d’une riche famille juive berlinoise. Ils partagent le même goût pour une abstraction géométrique et les savoir-faire artisanaux. À l’époque, Josef assemblait des tessons de verre récupérés dans des décharges, tandis qu’Anni mélangeait des fils de coton, de métal, et du crin de cheval…
Dès les premières années de leur mariage de nombreuses similitudes existent dans leurs travaux respectifs : tous deux reprennent sous une forme moderne des aspects de la géométrie qu’ils avaient appréciés à Florence où ils ont passé leur lune de miel.
Ils commencent à développer un vocabulaire commun, le duo se met en place au rythme de la vie au Bauhaus.
Walter Gropius, alors directeur du Bauhaus, demande à Josef de dispenser le cours préparatoire (un des cours majeurs et obligatoires à l’entrée à l’école donnant une base pratique). Un comble pour celui qui n’a suivi qu’un seul cours lorsqu’il fut élève. Cette tâche eut le même impact qu’eut sur Anni l’immersion dans les textiles. Ce qu’ils entreprirent à contre-coeur devint rapidement une passion dévorante.
En effet, Anni n’a pas choisi de rejoindre l’atelier textile, mais c’était le seul qui était autorisé aux femmes au Bauhaus. Elle va cependant exceller et fait œuvre d’une remarquable capacité à inventer de nouvelles façons de tisser : elle ne se contente pas de reproduire des motifs mais tissent en relief pour apporter du volume, utilisent des matériaux comme le cellephone qui lui confèrent des propriétés acoustiques. On est loin de la tapisserie simple ornementation pour mur trop blanc !
Dès le départ, que ce soient les travaux sur verre dépoli et coloré, les mobiliers de Josef ou les travaux textiles d’Anni, ils sont construits sur des rythmes et des alternances. Leurs réalisations sont comme une partition de musique pour duo/duet : une œuvre à quatre mains pour deux solistes.
On retrouve structure et de l’ordre mais avec un certain dynamisme dans l’organisation des éléments. Et, petit à petit, leurs travaux vont évoluer pour les rendre moins prévisibles, plus vivants.
Les bibliothèques en bois créées par Josef semblent construites de manières aléatoires, mais en fait totalement maîtrisées : il y a une grille qui permet de dessiner et placer les étagères et de créer ce rythme inattendu.
Pour éviter la symétrie des formes et la répétition de motifs, Anni applique la même approche d’un système sous-jacent pour ces tapis, tentures murales et tableaux.
Skyscrapers on Transparent Yellow, Josef Albers 1929
Tenture murale, Anni Albers 1925
Fabrik B, Verre sablé opaque et peinture noire, Josef Albers 1925
Conception de tenture murale, Anni Albers 1926
Open Bookshelf, Josef Albers 1923
City, tenture murale, Anni Albers 1949
Tirages photographiques Cuzco et Tampu Macchay Pérou, Josef Albers
Wall XII, Anni Albers 1984. Aquarelle en sérigraphie
1926
1926-1928